Notre périple au pays du ménage débute avec une maman qui faisait de son mieux pour tenir son foyer propre et ordré.

Le ménage… besogne ressemblant fort à la notion de punition ou au mythe de Sisyphe (il est condamné à pousser une roche sans fin). En effet chaque jour, non seulement le mari laisse traîner plusieurs affaires un peu partout dans la maison, mais les enfants procèdent de manière semblable : un tas de légos ici, des pièces de playmobils éparpillées par-là, des habits sales le long du couloir, les poupées dans le salon, les crayons jonchant le sol, sans parler du papier de toilette déroulé entièrement quotidiennement

Chaque jour, malgré les petits coups de mains des uns des autres, la maisonnée est plongée dans le bazar en moins de quelques heures.

Oui, c’est beau, c’est la vie de famille, inutile d’être parfaite ! On le sait ! Néanmoins, un goût amer de déception et d’impuissance se glisse dans la vie de cette maman. Avant chaque « ménage » il faut commencer par une heure de rangement.

Réalisées ensemble en famille, ces activités se transforment la plupart du temps en pugilat où les enfants finissent en pleurs et la maman rouge, transpirante et complétement décoiffée, crie des ordres à tout le monde, tout en passant l’aspirateur.

Insatisfaite par ces événements, elle lit, elle se documente, elle cherche des pistes pour se sentir moins débordée, plus respectée.

Elle applique certaines des méthodes, idées et suggestions issues du livre « J’aide mon enfant à s’organiser. Méthode à l’usage des parents » de S. Bujon et L. Einfalt.

Parfois, le résultat est là. La chambre est rangée, les jeux triés, les pièces retrouvées. Alors, comme appris dans le livre, la bonne fée du logis passe secrètement la nuit en laissant aux enfants une lettre de remerciement pour leur magnifique travail ainsi qu’un petit cadeau.

La maman, très fière d’elle, réitère cette petite méthode qui fonctionne plutôt bien durant plusieurs années, récompenses à l’appui. La maman, utilise d’autres petites techniques qui fonctionnent souvent bien : anticiper (« ce soir on range la chambre »), donner l’exemple (ranger avec), utiliser des tournures de phrases positives et rester calme, poser des questions aux enfants quant aux jouets à ranger et leur place, rendre la tâche ludique et intéressante, prendre des accents rigolos, distribution des rôles (le roi des légos, le roi des playmo…) et des défis, etc. Elle tente de les rendre coopératifs. Elle les motive en leur offrant la possibilité de réaliser un travail en fonction de leur âge et de leurs capacités : l’aspirateur pour l’aîné et l’aspirateur à main pour le cadet, remettre les chaussures par paires dans le vestiaire ou les chaussettes lors de la lessive, installer la table pour le repas, débarrasser son assiette etc.

Mais les enfants grandissent. La fée du logis passe moins souvent. Et pourtant, les tâches ménagères ne diminuent pas. La maman baisse un peu les bras face à l’ampleur du travail. Et pourtant, il est temps d’impliquer ses enfants un peu plus dans d’autres activités ménagères que les rangements et le petit nettoyage partiel.

La maman se renseigne, elle lit et elle va voir une conférence de la pédagogue Céline Alvarez. Cela va la conforter sur l’utilité de faire le ménage en famille. Le tout est de persévérer. Céline Alvarez nous explique qu’avant tout apprentissage scolaire, il faut d’abord bien entraîner les fonctions exécutives. La définition selon Wikipédia est la suivante : « En psychologie, les fonctions exécutives sont un ensemble de processus cognitifs permettant la maîtrise de l’individu par lui-même quand il cherche à atteindre un but ou gérer une situation difficile ou nouvelle. », à savoir : activation et planification de la tâche, inhibition (des stimuli et comportements inappropriés, contrôle moteur), mémoire de travail, flexibilité cognitive, régulation émotionnelle. Selon les études, « lorsque nos fonctions exécutives sont bien développées, nos chances de réussite et d’épanouissement sont plus assurées qu’avec un QI élevé. »

Notre maman, remotivée par ces découvertes met les bouchées doubles. Ses enfants développeront ainsi leur motricité fine (étendre le linge avec des pinces à linge), leur contrôle moteur (verser l’eau dans les verres), la capacité de planification (combien d’assiettes et de couverts pour le nombre de personnes), …

Et c’est parti pour la mise sur pied d’un plan de travail familial : chaque jour une tâche par enfant (mettre la table, aide à la vaisselle, aspirateur, aller au composte, …). Plan imparable selon elle… mais il fonctionne plus ou moins bien avec les aînés et peu pour les cadets (manque d’implication, non compréhension de toutes ces cases dans le tableau malgré les picto, …). Cela provoque évidement des jalousies dans la fratrie et donc, de nouveaux conflits. Le petit goût du désespoir refait surface, la démotivation, le cortège des ordres et des cris aussi.

Notre maman relit, se replonge dans les documentations, les blogs. Elle tombe cette fois-ci sur le livre de M. Doucleff « Chasseur, cueilleur, parents ». Ce livre est rempli de techniques et anecdotes concrètes qui ouvrent sur de nouvelles compréhensions sur l’éducation. Les prises de conscience sont nombreuses. Pour ne citer qu’un exemple, elle aime l’idée de carte d’identité familiale. C’est-à-dire que les enfants bénéficient de certains avantages : un toit, de la nourriture, des habits. Mais ils ont aussi des responsabilités en retour : celui de participer au bonheur commun, s’impliquer dans les tâches quotidiennes, à être serviables et coopérants, et cerise sur le gâteau, « de leur plein gré » et non pas parce qu’on leur ordonne.

A nouveau l’ampleur du travail pour parvenir à ce résultat est une montagne pour cette maman. Pourtant, au fil des années, en réutilisant les idées et les conseils, un par jour, jour après jour, la famille parvient enfin, après plusieurs années, en commun, à mettre un plan de travail en action qui fonctionne. Les enfants, devenus adolescents pour certains, participent aux tâches domestiques sans râler et sans faire d’opposition, même les cadets. Parfois même, il arrive à l’un ou l’autre de vider le lave-vaisselle à sa propre initiative. Soulagement. Calme.

En conclusion, c’est un long, très long voyage que l’apprentissage de l’autonomie, de la serviabilité, de la responsabilisation. Il subsiste bien sûr moults autres tracas dans cette famille et ce voyage-là n’est bien sûr pas terminé, mais il nous montre que la patience, les essais – erreurs et que le respect de ses convictions porte ses fruits.

« Peu de choses sont impossibles à qui est assidu et compétent… Les grandes œuvres jaillissent non de la force mais de la persévérance. » S. Johnson.