Cet enfant qui s’est tant fait attendre…
Aussi loin que je m’en souvienne, devenir mère n’était pas ce désir prioritaire dont mes amies, mes proches et d’autres futurs parents incarnaient. L’instinct dont on me parlait, je ne le ressentais pas.
Alors que ma génération se faisait parents, mon époux et moi sourions au bonheur des parents, des familles et à la douceur de tous ces bébés à peine nés, sans encore éprouver cette envie dont on nous insinuait. Je ne ressentais tout simplement pas ce désir de maternité…
Année après année, malgré nos explications, nous étions confrontés à ces incessants questionnements et remarques qui réveillaient en nous plus l’irritabilité que l’envie ! ” Alors, et vous, c’est pour quand ? Ça ne vous donne pas envie? Attention, l’horloge tourne !… “. Nous étions ce vieux couple sans enfants dont on avait du mal à comprendre.
A une époque en pleine évolution des normes sociales, nous ne comprenions pas cette pression. D’autant plus lorsqu’elle venait de là où nous pensions être un peu plus compris. Ce n’était pas un choix de ne pas avoir un enfant, mais je ne ressentais pas encore ce désire de maternité et c’est ce qui était le plus dur à me faire comprendre. Par contre, mon époux se sentait prêt à devenir père et a fait le choix d’attendre le moment que j’allais peut-être un jour éprouver ce que lui ressentait déjà !
Me concernant, avoir des enfants n’était pas ma priorité. Mes études et devenir professionnelle par contre l’était et concilier les deux, ce n’était pas évident. J’ai toujours été quelqu’un de trop raisonnable, trop analytique et une partie de la vie m’a toujours fait redouter en m’empêchant de même (juste) penser au désir de maternité et encore moins au désir d’enfant. Alors, je me conformais avec une vie à deux.
Par ailleurs, cette image « parfaite » que j’avais à l’esprit sur ma propre vie étant enfant, je ne pouvais la reproduire pour mon propre enfant. Ce cercle bienveillant où je m’étais sentie bien protégée et heureuse m’empêchait, quelque part, de ressentir le désir d’un enfant.
Issue d’une culture andine du Pérou où la famille s’étend au-delà du noyau familial et l’idée d’élever un enfant à deux m’effrayais. Je désirais cette enfance formidable qui avait été la mienne pour mon enfant. Lorsque maman devait s’absenter pour son travail ou ses études, il y avait mes grand-parents, mes tantes et tout un village pour prendre soin de moi, de ma soeur et de mes cousins. Nous habitions dans la même maison familiale entourés des montagnes, des animaux et des habitants du village. Nous étions très présents dans la vie communautaire.
Vers la fin de mes treize ans, je suis partie loin de toute ma famille.Loin de ma mère et de ma sœur, loin de mon village vers un monde complètement inconnu, la Suisse. Survivre l’absence de mon enfance parmi les miens dans un monde totalement inconnu a été bien évidemment très éprouvant. Malgré tout, le courage et la force de rester loin de tout ce qui avait été pour moi ma vie et construire une nouvelle avec de nouveaux repères n’ont pu être possibles que grâce à cet immense amour, à cette éducation bienveillante reçus dans mon enfance.
J’y crois profondément au cercle dans lequel grandi un enfant et d’autant plus s’il est grand. Ne dit-on pas en Afrique : « Il faut tout un village pour élever un enfant ». Et bien moi, j’ai eu ce village dans mon enfance et j’en voulais un pour mon enfant.
Mon appréhension sur le monde, les difficultés à concilier vie parentale et vie professionnelle, l’idéalisation du cercle dans lequel j’ai été élevée et éduquée ont certainement influencé mon désir de maternité et d’enfant. Et ça allaient sûrement influencer l’éducation de mon enfant.
Pour moi cela a été le temps nécessaire pour que mon esprit puisse faire face à mes inquiétudes, à mes peurs et concevoir que le cercle, nous le ferions à deux ! Le temps nécessaire pour que mon corps et mon esprit ressentent et se retrouvent en accord pour accueillir ces émotions et cette sécurité d’être enfin prête à devenir mère. J’étais enfin prête grâce à l’amour, la compréhension, la patience et le soutien de mon époux ! Grâce à lui, j’ai compris que la grandeur et la valeur du cercle, du village n’est pas toujours dans le nombre des personnes qui le compose, mais dans la force de chacun à croire dans nos propres capacités, à pouvoir les développer selon les besoins du moment ! Moi qui suis de nature impatiente, j’ai appris dans l’attente à libérer mes peurs, mes incertitudes, mes inquiétudes, à avoir et faire confiance. J’ai appris à faire de ma vulnérabilité ma force !
Alors que nous pensions que tout était enfin prêt, mon fils avait décidé autrement. Mais chut ! On ne sait jamais si l’on entendrait nous dire « On vous l’avait bien dit ! ».
Ainsi, des mois et des mois passèrent avec des incertitudes, de la culpabilisation, de la tristesse et une endométriose en prime ! Puis, Bébé SS a enfin trouver son chemin pour grandir en nous ! C’est cette attente qui a été longue et pénible et aujourd’hui c’est notre plus grand bonheur ! Mais pas que…